Collectionneur du mois de décembre 2020
Collectionneur du mois
Pierre J.H. Richard
Pierre J.H. Richard est un palynologue (spécialiste de l’étude des grains de pollen et des spores) de réputation mondiale.
Professeur émérite du Département de géographie de l’Université de Montréal, il a, durant ses années de recherche, initié puis enrichi grâce à la collaboration des membres de son équipe, une collection de grains de pollen et de spores de centaines d’espèces de plantes. Son agent de recherche, Alayn C. Larouche y a ajouté une collection de référence de pièces végétales (et autres) pouvant être trouvées dans les sédiments des lacs et des tourbières.
Ces collections font maintenant partie d’une des plus importantes collections paléoécologiques de l’est de l’Amérique du Nord, celle du laboratoire de paléoécologie de l’Université de Montréal dirigé par Oliver Blarquez.
Elle comprend présentement plus de 2300 lames microscopiques de référence correspondant à plus de 1500 taxons et plus de 1500 spécimens d’organes végétaux pour 970 taxons.
Spécimen coup de cœur
Le spécimen coup de cœur de Pierre J.H. Richard est le pollen de l’Arméria du Labrador (Armeria maritima subsp. sibirica ) dont le grain de pollen est magnifique.
Il a poursuivi ses études doctorales en Sciences naturelles au laboratoire de Palynologie du Muséum national d’histoire naturelle à Paris (1967-1968) puis à Montpellier (1968-1971) où il a soutenu en 1976, une thèse d’État français portant sur l’histoire post-wisconsinienne de la végétation du Québec méridional, par l’analyse pollinique.
Plusieurs personnes ont influencé ses études universitaires. Nommons tout d’abord le professeur Gilles Lemieux (botaniste), pour lequel il a été assistant pendant deux étés au Bas-Saint-Laurent, ce qui lui a ouvert les horizons de la floristique. Le professeur Miroslav M. Grandtner (ingénieur forestier), qui l’avait initié à l’observation du pollen et fourni son projet de fin d’étude à la Forêt Montmorency, lui trouva un laboratoire d’accueil dirigé par Madeleine van Campo (palynologue et directrice de recherches au CNRS, Centre national de la recherche scientifique) pour sa formation doctorale en France. Elle et le professeur Grandtner sont, selon ses dires, deux personnes exceptionnelles qui l’ont guidé et soutenu tout au long de sa formation en lui laissant une redoutable indépendance. Il a enseigné la botanique à l’Université du Québec à Chicoutimi de 1971 à 1976 et y a créé dès 1972 le Laboratoire de paléobiogéographie et de palynologie qu’il a ensuite implanté à Montréal en 1976.
Par la suite et pendant 36 ans, il a été professeur, directeur puis professeur émérite au Département de géographie de l’Université de Montréal après sa retraite en 2011. Depuis lors, il reste très actif en recherche.
Pierre J.H. Richard sur le terrain dans les années 1970
…et au microscope dans les années 1970.
Ses recherches sont axées sur la reconstitution de l’histoire de la végétation et du climat depuis le dernier retrait des glaces continentales un peu partout au Québec. Cela se fait par l’étude du pollen, des spores, des macrorestes végétaux et des charbons de bois préservés dans les couches de tourbe ou dans les sédiments des lacs.
Pierre J.H. Richard a, avec les membres de son laboratoire, participé à de multiples expertises et reconstitutions paléoécologiques. Les bases de données palynologiques appuyées par ses imposantes collections ont contribué aux toutes premières initiatives internationales en matière de reconstitutions paléoclimatiques et paléoécologiques, notamment utilisées par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) qui, avec Al Gore, a obtenu le Prix Nobel de la paix en 2007.
J’ai identifié ce pollen dans les couches tardiglaciaires de mon tout premier diagramme pollinique à la Forêt Montmorency de l’Université Laval. Ça a surpris Madame Margaret Bryan Davis, une célèbre palynologue états-unienne qui fut examinatrice du manuscrit de mon premier article scientifique à l’international, parce que la trouvaille était localisée hors des zones côtières auxquelles l’espèce A. maritima est généralement associée, en aire amphi-atlantique. Il se trouve que la sous-espèce labradorica peut être selon moi distinguée au sein de l’espèce maritima. La découverte de pièces de calice poilues a corroboré mon interprétation. C’était donc à l’époque une première mention de l’espèce (et de la sous-espèce) à l’état de sub-fossile, à l’intérieur des terres continentales de l’Est de l’Amérique du Nord, ce qui m’a évidemment ravi.
Armeria maritima subsp. sibirica, plant entier
Armeria maritima subsp. sibirica, vue rapprochée de la fleur
Pierre Richard a à son actif plus d’une centaine d’articles scientifiques et a été rédacteur en chef et directeur de la revue Géographie physique et Quaternaire (Presses de l’Université de Montréal) pendant une trentaine d’années et l’un des fondateurs de la collection Paléo-Québec (1974). Il a aussi été membre honoraire et membre fondateur de plusieurs associations et sociétés savantes et récipiendaire de plusieurs prix et plusieurs honneurs dont sa nomination comme membre de la Société royale du Canada en 1993.
Pierre J.H. Richard est le premier palynologue québécois qui en ait fait sa profession. Ses recherches ont grandement influencé plusieurs étudiants et chercheurs québécois. Ses sujets de recherche gravitent autour de thèmes très actuels comme la réponse de la végétation aux changements climatiques ainsi que l’incidence des feux de forêts et leur rôle à long terme sur le couvert végétal.
Membre fondateur de l’Institut québécois de la biodiversité (IQBIO) dont un des mandats est la sauvegarde des collections de recherche en sciences naturelles, Pierre J.H. Richard a toujours cru à l’importance de ces collections. À la question « Quelle est l’importance des collections dans vos recherches? », il répond :
« On ne peut rien faire de sérieux en recherche en sciences naturelles sans collections de référence ni sans le recours à une documentation la plus riche et la plus complète possible. »