Collectionneur du mois de décembre 2016
Collectionneur du mois
Raymond Hutchinson
Voici un collectionneur à l’œil éclairé, vigilant et vif, tout comme son esprit. Né au Nouveau-Brunswick d’une mère canadienne-française et d’un père britannique, Raymond Hutchinson fit ses études primaires et secondaires à Montréal dans un High School.
Après avoir obtenu son Brevet « A » d’enseignement, il est engagé en 1961 comme professeur d’anglais au niveau secondaire au collège Saint-Viateur d’Outremont, où il côtoie au milieu des années 1960 quelques enseignants intéressés aux sciences naturelles parmi lesquels se trouve le père Jean-Baptiste Genest, fondateur du Camp d’écologie Saint-Viateur (aujourd’hui le camp d’écologie ERE de l’Estuaire), situé à Port-au-Saumon, dans Charlevoix.
À partir de 1965, c’est dans cette région propice aux découvertes en sciences naturelles que Raymond développe son sens de l’émerveillement. Tandis qu’il enseigne au collège Rigaud de 1972 à 1981, il devient animateur au club de Jeunes Biologistes du père Louis Genest, lequel a fondé en 1969 le Centre écologique de Port-au-Saumon. Il séjourne ainsi régulièrement sur ce site enchanteur qu’est Port-au-Saumon, tant dans un camp que dans l’autre, et y transporte sa passion qu’il ne tarde pas à transmettre à de nombreux naturalistes en herbe.
Sa passion pour les odonates
À la même époque, vers 1972, sous l’impulsion d’André Larochelle, un ami entomologiste et spécialiste des coléoptères, Raymond développe un intérêt pour les insectes, principalement les odonates. Ce duo publie plusieurs années plus tard un manuel d’identification des libellules du Québec illustré de nombreux croquis. Déjà Raymond porte attention à tous ces petits détails qui permettent de bien distinguer chaque espèce, ce qui l’amène à intensifier ses observations sur le terrain pour mieux connaître leurs habitus. Il parvient à percer les secrets de leurs vols, leurs manières de patrouiller ici et là comme des sentinelles qui arpentent leur territoire. Il découvre aussi la vie intime de chaque espèce depuis le stade naïade jusqu’à l’imago. De plus, ce même duo publiera pendant 5 ans (1975-1980) la revue Cordulia qui connut un vif succès attirant près de 200 abonnés. Raymond a publié l’histoire de l’odonatologie au Québec dans un des derniers numéros de cette revue.
Avide de retrouver les naïades de toutes les espèces de libellules du Québec, il s’est adonné à l’exploration des microhabitats susceptibles d’abriter les espèces les plus méconnues. Il visait en particulier la cordulie de Robert (Somatochlora brevicincta), une espèce nordique découverte par le frère Adrien Robert en 1953 au lac Mistassini. Sa détermination lui a permis de retrouver la larve en plusieurs endroits dans les mares des tourbières réticulées minérotrophes (fens). Il ne néglige pas pour autant la recherche d’autres espèces plus méridionales qui jusqu’alors étaient restées furtives à l’oeil des naturalistes les plus aguerris. Ses nombreuses excursions autour de Gatineau et Ottawa avec Benoit Ménard lui auront permis de trouver 123 espèces de libellules et demoiselles (adulte, larves et exuvies) en plus de publier ses observations dans de nombreux articles et notes (environ 260, dont 183 concernant les odonates).
Ses rencontres à la « Ferme expérimentale », une étape de transition
En 1983, il abandonne l’enseignement pour aller travailler au service de traduction du ministère de l’Environnement à Hull, mais au bout de trois ans, il abandonne ce travail qu’il trouve un peu trop stressant. De 1986 à 1994, il occupe un poste de technicien à la Ferme expérimentale d’Ottawa (Agriculture Canada). Il y travaille pour différents chercheurs à la Collection nationale canadienne d’insectes, d’arachnides et de nématodes (CNC). Il y rencontre Henri Goulet, Laurent LeSage, Monty Wood, Serge Laplante, Yves Bousquet, et aussi deux autorités sur les arachnides : Charles Dondale et Jim Redner.
Son intérêt pou les araignées
Durant les années subséquentes, Raymond se met à étudier les araignées, un groupe relativement méconnu au Québec et qui devient sa seconde passion. Sa rencontre avec Gilbert Bélanger, étudiant en maîtrise à l’Université Laval, l’incite à récolter de nombreuses araignées dont l’identification est confirmée par les arachnologues Jim Redner et Charles Dondale. Ses efforts et ceux de Gilbert, qui totalisent plus d’un millier d’heures, seront consignés dans la revue occasionnelle Pirata (qui a duré 2 ans) où l’on retrouve la « Liste annotée des Araignées du Québec » et la « Liste annotée des Araignées susceptibles de se retrouver au Québec ». Cette dernière liste permet d’anticiper une faune aranéologique d’environ 800 espèces pour le Québec.
Au fil des années, il s’est monté une petite collection de référence pour lui permettre de comparer les genitalias chez les femelles et les pédipalpes chez les mâles. Sa collection personnelle d’araignées, estimée à environ 4 500 spécimens provenant de différentes régions du Québec, dont Carleton, Port-au-Saumon, Baie-James et Gatineau, a été récupérée par Denis Turcotte puis transmise à Pierre Paquin avec qui il est co-auteur avec Nadine Dupérré de la « Liste révisée des Araignées (Araneae) du Québec », parue en 2001 dans Fabreries.
L’ensemble de sa collection
La collecte de données, qu’il a consignées dans 112 calepins de notes de terrain, est un apport indéniable aux connaissances sur le comportement de ses insectes de prédilection, principalement les libellules (adultes et naïades). Sa collection de libellules se retrouve présentement entre les mains de Benoit Ménard. Elle sera évaluée ultérieurement.
Selon ses affirmations, les années de 1987 à 2006 auront été ses plus actives et productives en entomologie et surtout en aranéologie. Malgré que Raymond Hutchinson ait été un bon chercheur, il n’a pas laissé une collection bien ordonnée. Bien qu’il se retrouvait dans son fouillis à domicile, il a préféré léguer la majorité de ses spécimens aux collections nationales. Sa plus grande contribution est d’avoir suscité un véritable engouement chez de nombreux amateurs qui ont ensuite développé leur propre expertise. Un cas éloquent est celui de son collègue et ami en odonatologie, Benoit Ménard, qui a gardé Raymond actif au cours des trois dernières décennies.
Raymond a toujours été un peu distrait. Il aurait aimé être plus autonome lors de ses explorations campagnardes, mais il s’était résolu à ne plus prendre le volant depuis qu’il avait traumatisé son professeur de conduite. Homme loquace, il possédait une pointe d’ironie dans ses répliques et les jeux de mots que la science lui inspirait. Il était un fervent de musique classique et manifestait une sensibilité profonde à l’écoute des harmonies les plus subtiles. Lorsqu’il n’avait pas son “walkman”, c’est parce qu’il demeurait présent pour autrui, sinon pour la nature qui l’avait toujours émerveillé.
André Lapointe et Denis Turcotte
Sa passion pour les araignées
Sa passion pour les odonates
Ex. Collection