Raymond Hutchinson † (1937-2020)

Voici un collectionneur à l’œil éclairé, vigilant et vif, tout comme son esprit. Né au Nouveau-Brunswick d’une mère canadienne-française et d’un père britannique, Raymond Hutchinson fit ses études primaires et secondaires à Montréal dans un High School. Après avoir obtenu son Brevet « A » d’enseignement, il est engagé en 1961 comme professeur d’anglais au niveau secondaire au collège Saint-Viateur d’Outremont, où il côtoie quelques enseignants intéressés aux sciences naturelles parmi lesquels se trouve le père Jean-Baptiste Genest, fondateur du Camp d’écologie Saint-Viateur (aujourd’hui le camp d’écologie ERE de l’Estuaire), situé à Port-au-Saumon, dans Charlevoix.
À partir de 1965, c’est dans cette région propice aux découvertes en sciences naturelles que Raymond développe son sens de l’émerveillement. Tandis qu’il enseigne au collège Rigaud de 1972 à 1981, il devient animateur au club de Jeunes Biologistes du père Louis Genest, lequel a fondé en 1969 le Centre écologique de Port-au-Saumon situé à proximité du camp d’écologie. Il séjourne ainsi régulièrement dans la région et y transporte sa passion qu’il ne tarde pas à transmettre à de nombreux naturalistes en herbe.

Au début des années 1980, il abandonne l’enseignement pour traduire de nombreux textes sur la biologie animale pour le ministère de l’Environnement à Hull. Il devient par la suite technicien à la Ferme expérimentale d’Ottawa pour différents chercheurs à la Collection nationale canadienne (CNC) d’insectes, d’arachnides et de nématodes. Durant cette période il s’intéresse surtout aux araignées qui sont relativement méconnues au Québec.
La passion des odonates...

Quelques larves d'odonates récoltées par Raymond Hutchinson en 2006 dans la localité de Port-au-Persil
Vers 1972, il s’intéresse aux insectes et particulièrement aux odonates. Avec son ami André Larochelle, il dirigera la revue Cordulia de 1975 à 1980, qui a connu un franc succès auprès des entomologistes québécois. C’est dans cette revue qu’ils publieront le Manuel d’identification des libellules du Québec.
Sa collecte de données qu’il a consignées dans 112 calepins de notes de terrain est un apport indéniable aux connaissances sur le comportement des odonates (principalement les libellules, adultes et naïades). Avide de retrouver toutes les espèces de libellules du Québec, il s’adonne à l’exploration des microhabitats susceptibles d’abriter les espèces les plus méconnues. Il vise en particulier le Somatochlora brevicincta, une espèce nordique récolté par le frère Adrien Robert en 1953 au lac Mistassini. Sa détermination le mène à retrouver la larve en plusieurs endroits dans les réticules des tourbières minérotrophes (fens). Il n’en est pas moins de la recherche d’autres espèces plus méridionales qui jusqu’alors étaient restées furtives à l’oeil des naturalistes les plus aguerris. Ses nombreuses excursions autour de Gatineau-Ottawa avec Benoit Ménard, collègue et ami en odonatologie, lui auront permis de trouver 123 espèces de libellules et demoiselles en plus de souligner ses observations dans de nombreuses publications. Sa collection de libellules se retrouve présentement entre les mains de Benoit Ménard.
…et celle des araignées

Selon ses affirmations, les années de 1987 à 2006 auront été les plus actives et productives en entomologie et surtout en aranéologie. Suite à sa rencontre avec Gilbert Bélanger, étudiant en maîtrise de l’Université Laval, Raymond récolte de nombreuses araignées dont l’identification est confirmée par des experts. Leurs efforts mènera à la publication dans la revue occasionnelle Pirata de la « Liste annotée des Araignées du Québec » et de la « Liste annotée des Araignées susceptibles de se retrouver au Québec ». Cette dernière liste permet d’anticiper une faune aranéologique d’environ 800 espèces pour la province de Québec.
Sa collection personnelle d’araignées, estimée à environ 4500 spécimens provenant de différentes régions du Québec dont Carleton, Port-au-Saumon, Baie-James et Gatineau, a été transmise à Pierre Paquin avec qui il a collaboré comme co-auteur avec Nadine Dupérré pour la publication de la « Liste révisée des Araignées (Araneae) du Québec », parue en 2001.

Raymond Hutchinson est décédé le 13 mars 2020. Plusieurs se souviendront de lui comme un homme sympathique et un communicateur hors pair désireux de transmettre ses connaissances et ses passions à tous ceux qui s’intéressent à la nature du Québec. Un reportage de 2016 nous en dit plus sur sa personnalité.
André Lapointe et Denis Turcotte, pour l’IQBIO